L’histoire du système nerveux autonome

Le système nerveux autonome est encore bien moins étudié que le système nerveux central et somatique. Si vous ne le connaissez pas, vous pouvez d’ailleurs aller consulter mon article sur le sujet. Je vous propose un résumé de l’histoire de ce système jusqu’au XXe siècle, pour mieux comprendre l’état de nos connaissances actuelles.

De l’âge sombre à celui des Lumières

Galien réalise vers 150 la première dissection conduisant à l’identification et la description de la morphologie du système nerveux autonome, y compris « les tuméfactions » se trouvant être les ganglions du tronc sympathique (la chaîne latérovertébrale). Il pense à l’époque que les nerfs sont purement sensoriels et creux, permettant aux « esprits animaux » de passer d’organe à organe ou d’organe en « humeurs » chimiques. Vers 1489, Léonard de Vinci dessine des planches précises de l’anatomie humaine représentant entre autres le système nerveux autonome.

En 1555, Barthélemy Eustachi réalise la première dissection complète du système nerveux autonome, elle sera publiée plus d’un demi-siècle après sa découverte. Il a également mis en évidence la glande surrénale. Thomas Willis, va distinguer les fibres des nerfs vagues et des fibres appelées alors intercostales (sympathique). Il pense que les fibres intercostales et vagues descendent du cervelet et qu’il est responsable de tous les mouvements involontaires du corps. On ne peut pas avoir tout juste à tous les coups. Il déterminera cependant que les nerfs entourant les vaisseaux provoquent une constriction de ces derniers. Il emploira également le terme « système nerveux involontaire », terme réutilisé par Gaskell par la suite en opposition à « système nerveux autonome ».

Le XVIIIe est marqué par l’expérience de François Pourfour du Petit. Il sectionne le nerf grand sympathique d’un chien et observe ce qui sera décrit plus tard comme le syndrome de Claude Bernard-Horner (myosis, ptose, énophtalmie et anhidroses). À la même époque, Jacques-Bénigne Winslow rebaptise les nerfs intercostaux en « nervi sympathici maximi », nomenclature latine oblige ! Il pense que ces nerfs coordonnent plusieurs fonctions viscérales. Il décrit précisément 3 nerfs « sympathiques » : le petit nerf sympathique (nerf facial), le nerf sympathique moyen (nerf vague), le nerf grand sympathique (la chaine latérovertébrale). Ne criez pas au scandale, le terme parasympathique n’est pas encore inventé, on met tout dans le même panier. Winslow suggère que les fibres sympathiques auraient une origine spinale, il différencie les rameaux communicants gris et blancs, il utilise l’expression « système sympathique » et appelle les ganglions de la chaine latérovertébrale « petits cerveaux ». Vous pouvez retrouver des planches de l’Encyclopédie de cette époque.

XIXe siècle accélération dans la conceptualisation du SNA

Au XIX siècle, Marie François Xavier Bichat ou MFX B pour les intimes distingue la fonction autonome de la fonction somatique en créant deux expressions :

  • « La vie organique » (autonome)
  • « La vie animale » (somatique).

Il utilise pour la première fois l’expression « système nerveux sympathique ». Claude Bernard, lui va « seulement » créer l’expression et surtout le concept de « milieu intérieur », qui est la base de la physiologie moderne. Il démontre également la fonction vasomotrice du sympathique, en sectionnant ou stimulant un nerf sympathique cervical. Bernard met en évidence une activité supraspinal régulant le système nerveux sympathique. Il va également réaliser un grand nombre d’expérience sur l’effet du curare sur la neurotransmission et donc contribuer à l’étude du système cholinergique. Au passage, il a également fini le livre de son ami Bourgery, que vous pouvez retrouver juste ici.

En 1869 Schmiedeberf et Koppe vont observer que la muscarine produit les mêmes effets qu’une stimulation vagale et que ces deux réactions sont antagonisées par l’atropine. En 1885 Lange c’est intéressé aux adaptations cardiaques par rapport aux expériences sensorielles et émotionnelles. Dix ans après, Olivier et Schäler découvrent que la médulla-surrénale produit une substance qui accroît la pression artérielle. JJ Abel et J Takamine, vont réussir à isoler l’adrénaline produite par la médullosurrénale et se rendre compte que c’est cette substance qui augmente la pression artérielle. Takamine est plus connu, car il brevète et commercialise avec Parke, Davis & Compagny la molécule sous le nom « d’Adrénaline ». Pour éviter les contrefaçons d’adrénaline synthétique, les États-Unis adoptent le mot « Épinéphrine » pour l’adrénaline libérée naturellement par la médulla surrénale.

nerfs cervicaux

Fin XIXe début XXe, Langley et Gaskell, deux scientifiques de l’Université d’Oxford, vont fortement contribuer à l’organisation du SNA, socle de connaissance utilisé aux XXe et XXIe siècles. Langley en 1898 écrit : «Je propose le terme système nerveux autonome pour le système sympathique et le système nerveux connexe des nerfs crâniens et sacrés, et pour le système nerveux local de l’intestin ». On voit sans leurs noms modernes, qu’il incluait déjà système sympathique, parasympathique et entérique dans sa définition du système nerveux autonome, terme qu’il invente au passage.

Gaskell préfère lui utiliser le terme de système « nerveux involontaire » pour bien matérialiser l’indépendance du système par rapport à la conscience. Langley précisera sa signification du terme » autonome » en 1921 «J’entendais par là une autonomie « locale ». Le mot autonomie indique, sans aucun doute, un plus grand degré d’indépendance du système nerveux central qu’il a en réalité, avec l’exception du canal gastro-intestinal, mais je pense que pour les nouveaux concepts scientifiques il est également nécessaire d’introduire de nouveaux termes, même si les termes ne représentent pas une description précise du sujet. »

Langley a également posé les bases de l’opposition entre le système sympathique et parasympathique, même si depuis nous savons qu’ils peuvent également fonctionner en synergie. Gaskell a fait des découvertes anatomiques intéressantes. Il a découvert l’origine du 1er neurone moteur sympathique dans la corne latérale de la moelle (appelé maintenant colonne cellulaire intermédiolatérale) et que le rameau communicant blanc était composé de fibre préganglionnaire sympathique. Il a introduit le terme de ganglion prévertébral, pour désigner les ganglions sympathiques situés à proximité des viscères.

Affinage du modèle, amélioration des connaissances pharmacologiques

Richard Hunt découvre la choline à la toute fin du XIXe en 1900, en supprimant l’adrénaline des extraits de la médullosurrénale. Il découvre en 1906 l’acétylcholine, 100 000 plus puissante que la choline, mais pense à l’époque que c’est un poison.

TR Elliot a suggéré que la neurotransmission était médiée chimiquement, en observant les similitudes des réponses entre la médulla surrénale et la stimulation des nerfs sympathiques. Il pense que les fibres sympathiques libèrent de l’adrénaline. Il a noté une amélioration de l’effet de l’adrénaline sur un organe, après la section de son nerf sympathique (phénomène appelé « hypersensibilité de dénervation »). Dixon et Hamill trouvent un effet similaire entre l’action de la muscarine et du nerf vague sur le coeur. Ils suggèrent que l’excitation du nerf libère une molécule muscarinique qui agit sur l’organe pour induire une réponse.

Dole va apporter la réponse en étudiant l’acétylcholine extraite de l’ergot de seigle. Il décrit des effets cardiovasculaires semblables à la stimulation du système parasympathique. Encore mieux il distingue deux types de récepteurs, muscarinique et nicotinique, qui vont réagir différemment à l’acétylcholine. Il va créer les termes sympathomimétiques et parasympathicomimétiques pour pouvoir décrire les molécules qui imitent la stimulation des fibres post-ganglionnaire de ces fibres respectives. Loewi obtient la première preuve qu’une molécule est libérée par les nerfs vagues pour réduire la fréquence cardiaque. Effet aboli par l’atropine. Il a également montré qu’après une injection d’atropine, la stimulation des nerfs sympathiques augmentait la fréquence cardiaque. Dole et Loewi reçoivent un prix Nobel pour leurs travaux sur la transmission du message nerveux en 1936.

Autre très grand contributeur aux connaissances sur le système nerveux autonome, Cannon inventeur du terme homéostasie et connu pour la fameuse « Fight-or-flight response » (Réponse combat-fuite). Il propose que chez les animaux, le système nerveux sympathique est responsable du combat ou de la fuite, alors que le système parasympathique est responsable de la conservation de l’énergie. Cannon décrit le phénomène de supersensibilité à la dénervation. Il tente d’expliquer l’action excitatrice ou inhibitrice du sympathique à partir d’une substance commune la sympathine, qui combiné au niveau de la synapse avec d’autres substances donnerait la sympathine E pour excitatrice et la sympathine I pour inhibitrice.

anastomoses cavité pelvienne

Von Euler permet d’invalider l’ancienne théorie de l’adrénaline comme neurotransmetteur de la fibre post-synaptique pour les fibres sympathiques en identifiant la présence de Noradrénaline. Il étudie également sa production et son stockage au niveau de la synapse. O Krayers et W Feldberg découvriront eux que l’acétylcholine est libérée par les fibres post-synaptique des nerfs vagues. ED Adrian, DW Bronk et G Phillips vont réaliser les premiers enregistrements de l’activité d’un nerf sympathique postganglionnaire cardiaque chez un chat anesthésié. KE Hagbarth et AB Vallbo eux réaliseront l’expérience chez un humain conscient.

Les preuves de l’existence de récepteurs muscariniques par Riker et Wescoe, puis l’identification de sous-type de récepteur bêta adrénergique par Lands et de récepteur alpha adrénergique par Berthelsen et Pettinger, permettront de comprendre toujours mieux le système. Julius Axelrod découvre en 1957 que la noradrénaline est recapturée par les terminaisons nerveuses qui l’ont libéré. Il recevra en 1970 un prix Nobel pour ses travaux avec von Euler et Katz.

Acheson et Moe détermine que le tétraéthylammonium (TEA) bloque les canaux calcium-dépendant au niveau des synapses ganglionnaires, permettant de réduire la pression artérielle. Ils sont imités par Paton et Zaimes qui découvrent que l’hexaméthonium a le même effet que le TEA, mais avec une durée d’action plus grande. En 1998 Murad, Furchgott et Ignarro partagent un prix Nobel pour leurs travaux individuels conduisant à la découverte que l’effet vasodilatateur l’acétylcholine provoque la libération d’oxyde nitrique qui a un effet vasodilatateur sur les vaisseaux.

Le XXIe siècle semble prometteur en découverte, notamment par rapport aux travaux de Gidron sur le rôle neuro-immunologique du nerf vague. Cela pourrait ouvrir des pistes de nouveaux traitements pour les maladies métaboliques, auto-immunes, et néoplasiques, mais c’est une histoire encore à écrire.

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